Patrick a toujours vécu entouré de peintres,
de musiciens, d’écrivains, d’artistes… qui fréquentaient l’Hôtel de
Julia sa grand-mère, puis de Nicole sa mère. Tout petit, il a souvent
été peint, par Daucho,
Richard… plus tard
Gonzalez et beaucoup d’autres. La
présence de Vlaminck ou autres personnages illustres à Pont-Aven
lui était tout simplement familière. Vivre sans peinture, sans musique,
sans une profusion de livres lui semblait inconcevable.
Après le lycée de Quimper, il fréquenta la fac de
droit (il y avait beaucoup de juristes chez ses aïeuls), à Nantes (son co-locataire s’appelait Ernest !). Mais aucune carrière juridique ne le
tentait. Il eut envie de journalisme et Xavier Grall
l’encouragea lorsque Patrick lui soumit un article pour « l’Echo
Breton » : « Je te remercie et surtout te félicite. C’est un article
excellent et je fais, crois-le, abstraction de toute vanité d’auteur. Il
est excellent puisqu’il est fin, subtil et chaleureux. Crois-moi, tu as
des dons de journaliste que bien des professionnels pourraient
t’envier ». Mais la peinture le rattrapa, un peu sur un coup de
hasard, par le biais de l’encadrement. Il fit un apprentissage à Paris,
chez M. Lefeuvre, président des encadreurs, à qui il vouait une
admiration et une affection immenses, il a eu la joie de me le faire
connaître. Ce métier, si manuel, si proche de l’art aussi, lui apportait
beaucoup de plaisir : «Je te parlais du bonheur que m’apportait mon
boulot. Equilibre. Calme. Plaisir de réaliser quelque chose de ses
mains. Il faut que j’arrive à bout de ces sacrés cadres afin d’être
complet, sûr de moi et de pouvoir goûter tranquillement à ce plaisir ».
Mais c’est tout naturellement, et par la grâce des
amis peintres de plusieurs générations, qu’il vit son atelier
d’encadrement se transformer peu à peu en galerie… Parrainé par Pierre
Eugène Clairin, soutenu par tant
d’autres, reconnus ou jeunes talents, il inaugura en 1974 la galerie « à
l’atelier d’Ernest Correlleau »,
dans l’annexe de l’hôtel de la Poste, où peignait son grand-père et qui
abrita en 1939 la Pont-Aven School of Art de
Nelson et Scott. Il continuait
ainsi à « vivre en peinture » comme il le disait si bien, car il fut
plus collectionneur que marchand de tableaux ! Après la fermeture de
l’hôtel, les amis ne s’éloignèrent pas, mais surent trouver le chemin de
« l’atelier », et poètes, bardes, musiciens, écrivains l’entouraient
toujours dans sa maison que Xavier Grall appelait une petite
« principauté des arts et lettres ». Si le livre d’or de l’hôtel de la
Poste est aujourd’hui au musée de Pont-Aven, le sien , ouvert en 44 ,
témoin de l’histoire de la cité est tout aussi passionnant. Car ses
choix étaient sans concessions, pour la peinture mais aussi pour les
hommes
Je regrette vraiment qu’il n’ait jamais voulu
raconter par écrit toutes les rencontres qui jalonnèrent sa vie. Il
disait ne pas avoir le talent d’écrire, j’en doute vu les encouragements
de son ami ; mais sa pudeur, surtout, était trop grande.
Xavier Grall lui écrivit encore : « Toi,
tu es de la race des intuitifs, cette race à la fois douloureuse et
émerveillée. » J’ai eu la chance, pendant 28 ans de partager ses
émerveillements !
Dominique Le Floch-Correlleau (décembre 2006)
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